Le Riz Sofé ne décolle toujours pas

Passage éclair du côté du Riz Sofé, petit restaurant posé sur la traversante de Terre-Sainte et qui, depuis son ouverture, avait donné des signes positifs quant à la qualité de ses plats. Nous l’avions visité à peine un mois après son ouverture et nous avions également acheté des barquettes à l’occasion.


Nous nous y arrêtons une fois de plus en cette année 2022 finissante. Au menu : rougail saucisses, civet de cerf, rougail boucané, porc chouchou, rougail morue, Civet la patte cochon fumé, rougail chevaquine et cari poulet. Soit huit plats. Sont-ils tous du jour ? Non, certains sont de la veille.
Dans les accompagnements figurent des brèdes chou-de-Chine, et le plat le Riz Sofé éponyme.
L’accueil est sans défaut, le service non plus. Sourire et efficacité sont présents. Le cadre est agréable et confortable.
Nous demandons le rougail morue, sur place, plus le civet la patte à emporter.
Le plat arrive assez rapidement, le temps de se désaltérer.


A la vue le rougail morue présente bien, avec une jolie couleur. Au nez aussi, bien que nous ayons vu des rougails plus odorants que celui-ci. En bouche, surprise : la salaison envoie de la douceur, et pas subtilement. Qu’est-ce qui s’est passé ? Tomates trop mûres ou est-ce la faute aux oignons ? Heureusement que la texture est satisfaisante, bien que nous aurions aimé un plat un peu plus sec. Les brèdes sont à la fois croquantes et délicates, leur amertume est légère et la dose de sel est impeccable. Le riz « sofé », marque de fabrique de l’établissement, est assez bon. Les grains de riz sont tendres et collent juste ce qu’il faut, mais ici le sel fait défaut. On le compense avec le petit piment la pâte orange.

Le civet la patte cochon fumé est en soi un non-sens, selon nous. Mais il fallait le goûter pour en avoir le cœur net. Le verdict est imparable : le côté vin s’accommode mal de la viande fumée, et inversement. En effet les saveurs se mélangent et annulent mutuellement leur intérêt respectif. On n’apprécie plus ni le fumé et de la viande, ni la cuisson au vin. Mieux vaut faire un civet avec la patte fraîche, et un cari avec la patte fumée, c’est plus clair.

La crème brûlée du dessert fait son office, sans plus.
Nous repartons en réglant 33 euros pour une boisson, un plat, une barquette, un dessert.
Le rapport qualité prix est perfectible.

Le Riz Sofé figurait dans le « Guide Jaune », mais dans la liste de fin de chapitre, celle qui indique les restaurants dont la cuisine est correcte mais sujette à amélioration et/ou de qualité inconstante.
Nous avons bon espoir de le sortir de là pour lui attribuer une fourchette, mais ce ne sera pas le cas aujourd’hui. Il faudra une nouvelle visite pour cela. Il manque justement de rigueur et de constance. Parfois les plats sont bons, parfois ils naviguent dans les eaux grises du passable, celles fréquentées par les bouis-bouis dont l’ambition n’est que de remplir les ventres de clients peu exigeants. C’est inadéquat avec les tarifs pratiqués. Le décor c’est bien, les prestations aussi, mais ce qui compte au final c’est le goût. Il ne faudrait pas l’oublier.

Café Hippi’Eat, peace, love and carry

Terre Sainte, un jour ordinaire. Quelques pêcheurs à la gaulette taquinent les pêche-cavales sur le pont de la Rivière d’Abord, pour aller les griller ensuite. De belles pièces de thon Germon et Albacore attendent preneur dans les kiosques des professionnels, à deux pas de là. On discute sur les bancs, on écluse une bière, on regarde le temps qui vire au beau.

Aujourd’hui nous sortons de notre train train de caris et rougails pour tester un petit restaurant différent, qui nous a été recommandé. 

10h, le Café Hippi’Eat est déjà ouvert depuis longtemps. Logique, l’établissement se définit comme “Restaurant pour petit déjeuner et brunch”, et le menu du jour est exposé dehors. Dedans, la déco est “seventies”, avec les mythiques combis VW au mur et sur les étagères, en compagnie des vinyls des stars de cette époque. Dommage que la musique d’ambiance ne soit pas raccord. 

Une belle dame nous accueille avec politesse, nous invitant à consulter le menu avant notre commande, qui sera à emporter, évidemment, compte tenu des circonstances. Nous lisons.

Tartare de thon, mangue, sauce soja, coriandre, avocat, frites de patate douce ; “Signature burger” (Pain artisanal, poulet croustillant, mayo curry, œuf poché, emmental, crudités, potatoes) ; “Avoc’n’Love” (Poulet croustillant, salade de lentilles et fêta , mini club avocat emmental crudités œuf dur, frites d avocat, patate douce carotte guacamole) ; “Yoko Ono” (Crevette marinées coco gingembre, coleslaw wasabi, nouilles, crevettes panées aux céréales) ; Salade façon césar (poulet crispy  ou crevettes panées , pâtes au pesto, œuf poché, croûtons, crudités, sauce cesar maison) ; “Bowl veggie” (gratin dauphinois revisité,  courgettes à la niçoise, quinoa gourmand, légumes crus et cuits).

Nous repartons avec le burger et « Yoko Ono », plus un cheese-cake, délestés de 29 euros réglés en espèces pour cause de non acceptation de la carte bleue. 

Aussitôt rentrés, le four est mis à contribution pour réchauffer tout ça. Le cheese-cake, lui, va se rafraîchir.

Le Burger n’a rien à voir avec ses cousins « Mac » et « King », encore heureux, ni avec ceux des autres spécialistes de la place. Il est moins gras, tendant même vers un côté léger et dépouillé. C’est sans doute le blanc de poulet pané qui fait cet effet. Pour autant ce dernier reste assez tendre sous la dent, sans cet aspect carton pâte et qu’on retrouve parfois. L’oeuf poché vient avantageusement l’enduire de son jaune. Il est d’ailleurs prudent de découper le burger dans sa barquette, ou dans une assiette. La base du pain légèrement imbibé de mayonnaise au curry donne un peu de soleil gustatif à l’ensemble dont la saveur générale est trop sage à notre goût. Le pain lui-même, avec sa mie moelleuse, comme briochée, est une réussite. Ses graines apportent une touche croquante et parfumée qui, en bouche, profitent au poulet, que nous avons égaillé d’une pincée de sel. Les pommes sautées, en robe des champs, sont gobées avec plaisir.

« Yoko Ono » est très généreusement servie. Nous attaquons par le Coleslaw de chou rouge, arrangé au wasabi. La claque. Ce croquant associé à la sauce crémeuse et à la force du Wasabi nous secoue les papilles, et c’est absolument vivifiant. Les crevettes ne sont pas en reste, davantage celles qui sont marinées au coco et gingembre, présentées avec les nouilles, que celles qui sont pannées, même si ces dernières paraissent plus en chair. Les nouilles ont bonne mine. Elle refluent d’appétissantes odeurs d’assaisonnement aux couleurs asiatiques, et sont cuites à la perfection, ni trop molles, ni trop ferme. Elles sont vite englouties et le dernier coup de dent sur une crevette panée termine le plat.

Le dessert est délicieux. Le cheese-cake velouté et fondant affiche des notes gourmandes dont le côté gras est tout de suite équilibré par le coulis de framboise acidulé. Un équivalent au goyavier viendrait donner une touche plus locale, la saison commence. Nous nous demandons si le Café Hippi’Eat propose des babas.

Tout ceci fut bel et assez bon, mais nous restons sur notre faim. Il manque clairement quelque chose pour que ce repas soit apprécié à sa juste valeur. Pas besoin de réfléchir longtemps : il manque… le restaurant ! Les plats à emporter sont un moyen pour les restaurateurs qui le peuvent de s’en sortir en ces temps de crise, nous jouons le jeu et vous invitons à faire de même. Mais tout le monde est d’accord, rien ne remplace le fait de mettre les pieds sous la table d’un restaurant, en bonne compagnie, et deviser avec les serveurs ou le chef, voir passer les plats des voisins en se disant “la prochaine fois je prend ça”, apprécier la musique quand elle est bonne comme disait Jean-Jacques, et simplement buller après le dessert en appréciant l’ambiance et le paysage. Glenn Viel, chef trois étoiles que nous avions rencontré lors de ses vacances à La Réunion, le disait très bien : la cuisine, c’est d’abord une affaire de psychologie, de bonne disposition, d’état d’esprit qui précède et accompagne le repas lui-même. Tout cela reviendra, et le plus tôt sera le mieux. Des gens, des familles, en vivent.

Une jolie balade gastronomique Ô Bord’ Mer…

Aujourd’hui nous allons traîner nos guêtres du côté de Terre Sainte pour découvrir un établissement conseillé par une de nos antennes sudistes.
De l’extérieur, Ô Bord’ Mer présente une simple entrée, une façade de bâtiment fatiguée par le temps et les embruns. Dedans, une sorte de patio, ombragé par un jeune badamier, avec vue sur la plage à droite et sur les roches volcaniques à gauche, et en face, l’horizon qui poudroie…

Nous sommes installés sous l’arbre, et le menu du jour nous est présenté.
18 plats de toute sortes sont proposés. De la salade végétarienne à la truite arc-en-ciel entière en passant par le risotto au curry rouge et gambas, le crémeux de camarons flambés au vieux rhum et le sacro-saint rougail saucisses en passe de devenir une sorte de religion chez les zoreils de passage.
Après hésitation, nous optons pour un pavé de saumon rôti crème de poireau, et un cari « Ti-Jaune », plat que nous n’avons encore jamais croisé jusqu’ici.

L’excellent ti-punch éclusé, nous patientons le nez en l’air, puis sur les lieux, où la décoration simple invite à la détente. Le service est joyeux et très prévenant, il est très rare de voir autant de professionnalisme et de dynamisme. Cette jeune femme est une perle.

Les assiettes arrivent. Le dressage est simple et coloré, et l’odeur du poisson nous écarte les narines. Ça renifle le roussi de fond de marmite, les épices fondues et mélangées. Ces exhalaisons sublimes de cari de poisson fignolé nous poursuivront durant tout le repas, relayées par les commandes des clients arrivés après nous.

Nous sautons sur les Ti-Jaunes. Nous restons interdits pendant deux secondes, avant que nos yeux s’écarquillent de surprise. Nous lâchons un « whoa » de satisfaction. Toute emmitouflée dans leur sauce compotée dont l’odeur nous retournait déjà les sinus, la chair des poissons, fondante et délicate, nous présente avec courtoisie son petit caractère fumé et profond, empreint de corail et d’iode, avec une touche sauvage et suave à la fois. La sauce, éclairée d’une l’acidité d’agrume, et soutenue par des tranches de citron cuites avec la peau, fait danser les Ti-Jaunes tout en leur apprenant les bonnes manières. Le résultat est tout simplement divin. Avec le très bon riz coloré de sauce, nous nous extasions sur les sensations mitraillées par ce cari, auxquelles un rougail aux accent puissants de piment et d’agrumes (y a-t-il seulement du citron là-dedans ?) ajoute une touche supplémentaire de soleil gustatif. Les lentilles proposées en accompagnement, au demeurant très bonnes, sont à peu près inutiles.

Le pavé de saumon joue dans la même cour. Presque croustillant dehors, ultra-fondant dedans, la chair orange arrange le palais de son fumet gras et volontaire. Les petits légumes équilibrent la texture gourmande de leur croquant frais. Les frites de patate douce et la crème de poireau complètent le tableau avec leur douceur très terrienne, apportant au poisson une couleur terre-mer intéressante. Le saumon glisse tout seul, et si bien que cela en est presque frustrant.

Les assiettes sont enlevées. Voici les desserts : Le Jade (entremet citron vert, fruits rouge), Le Crunchy (chocolat et cacahuètes), la tarte passion et romarin, le Topaz (chocolat, fruit « exotic », marmelade de mangue) et une tarte au citron meringuée. Plus des glaces artisanales.

La tarte passion et le Crunchy nous rejoignent quelques minutes plus tard.
Le mariage passion – romarin est indiscutablement réussi. L’herbe aromatique porte les humeurs acidulées du fruit de la passion dans une crème délicate, à laquelle une pate aux retours de beurre apporte un croustillant magnifique.
Le Crunchy aurait pu suivre cet exemple. Trop de mou chocolaté à notre goût, mais le chocolat lui-même est une petite merveille. Les amateurs lui feront grand honneur.

Voici qui termine cet excellent moment gastronomique passé sous le jeune badamier d’Ô Bord’ Mer. Nous sommes délestés de 82 euros. C’est un petit peu cher à première vue, mais le rapport qualité-prix est bon. C’est ce qui compte.

Depuis quelques mois, cette adresse du bord de mer de Terre Sainte semble attirer les gourmets et gourmands de l’île. Il y a de quoi. Un cadre confortable et dépaysant, un service excellent, et une cuisine inspirée, précise, et respectueuse des produits, en sont les explications.
Des produits de notre terroir mis à l’honneur par un chef qui va puiser dans la tradition culinaire locale pour offrir à la clientèle des plats qui ouvrent de nouvelles portes aux sensations gustatives.
Et tout ça presque sans avoir l’air d’y toucher, sans les raffinements ampoulés d’une gastronomie au dressage à la pince à épiler, mais avec une générosité et une passion qui se retrouvent dans l’assiette. Un chef qui est bien parti pour se faire un nom. Retenez-le. Il s’appelle Leveneur,  Emmanuel Leveneur.