Chez Louna, bon mais perfectible

Mare à Vieille Place, petit village niché dans le cirque de Salazie, sur la route de Grand Ilet, abrite trois restaurants. Le Belvédère et chez Louna proposent de la cuisine traditionnelle, le troisième est celui de l’hôtel le Sarana, qu’on ira visiter plus tard.

Aujourd’hui nous mettons les pieds sous la table de Chez Louna, pour déguster un civet la patte cochon, qui sera suivi d’un massalé poulet en barquette pour le dîner. Le menu du jour comprenait aussi un cari et un sauté de poisson, ainsi qu’un sauté de poulet.

Le restaurant est désert, excepté deux ou trois personnes venant chercher des barquettes. L’accueil est poli, à défaut d’être jovial, le service est souriant.
Quand la patte cochon se pointe, nous avons d’abord la crainte d’avoir affaire à un « cari le zo », mais non. La proportion de viande est satisfaisante. La couleur aussi, d’ailleurs. Ce luisant cuivré, habituel d’un cari ordinaire, paraît quand même un peu pâle pour un civet.
L’odeur est appétissante mais manque aussi de peps. La dégustation reste dans la continuité.
La saveur de vin cuit est assez discrète, aucun clou de girofle à l’horizon, aucune claque de poivre. Cette patte cochon est un bon cari, qui se mange sans faim, mais le baptisé « civet » est un tantinet exagéré. Vin mal choisi ou mal dosé ? Viande non marinée ? Ou recette particulière de l’établissement ? Si on s’attend à un vrai civet qui envoie du bois, on peut être frustré, dans le cas contraire, le plat reste correct, d’autant que le roussi est réussi et la viande bien cuite.

Côté accompagnement, rien à dire.
Les lentilles sont mêmes assez goûteuses et parfumées, le riz est cuit comme il faut et ses grains longs, qu’on a souvent trouvé très secs dans d’autres endroits, sont tendres et font des bouchées satisfaisantes. Mention spéciale pour le rougail citron, d’où une saveur sucrée se détache. Nous pensons d’abord à un agrume particulier dans le style citron quatre saison bien mûr, mais en fait non, l’homme au service nous apprend que le rougail contient aussi de l’orange. Le résultat est intéressant, mais ça passe mieux avec un sauté chinois.

Le poulet massalé est tout aussi qualitatif que le plat précédent. Peut être davantage même si l’on considère sa cuisson exemplaire et sa sauce réduite qui a bien pénétré la viande et qui emballe cette dernière avant notre palais. Le poulet en ressort gratifié de notes fumées, en sus du massalé très équilibré où les feuilles de kaloupilé ont mis leur mot.
Le rougail citron ne va pas du tout avec, en revanche. Voilà pourquoi il est utile de proposer des rougails piment variés, qui s’arrangent avec le plus grand nombre de caris. Les classiques rougail tomate, ou oignon-piment passent avec à peu près tout. Le piment la pâte aussi. Si leur prix baisse un jour, une salade de gros piments émincés, c’est également délicieux.

Chez Louna, c’est bon. Pas transcendant, mais suffisamment qualitatif pour justifier la pause déjeuner et la dépense. Ne cherchez pas d’entrées ou de desserts maison, en semaine en tout cas. Les repas du jour révèlent même un potentiel mal exploité, ou assoupi par la routine. Un peu plus d’énergie, de passion, et l’établissement pourrait facilement déplacer les foules depuis très loin.

Les Terrasses de Bellepierre tiennent le cap

Notre dernière visite officielle aux Terrasses de Bellepierre nous ramène en 2021. Trois ans plus tard, les lieux n’ont pas changé, et le défilé aux barquettes non plus, semble-t-il. On peut toujours déjeuner sur place, et confortablement. Le patron donne toujours du « mon caf » à ses clients, ce qui a le don de le rendre aussi sympathique qu’un vieux pote de l’armée, du temps de la conscription.

Au menu du jour, sauté de poulet aux champignons, rougail morue, rôti de porc à la marmite, chevaquines gros piment, poulet frit, sur place et à emporter. Côté terrasse : magret de canard au letchi, côte de porc jus de viande, spaghettis carbonara, pavé de saumon, bol renversé et cari de poisson rouge.

Ce dernier n’est sans doute pas pêché chez nous, vu le tarif, mais le patron nous rassure, il est bon.
Nous ne regrettons pas de lui avoir fait confiance. Nous commandons aussi les spaghettis pour voir, plus des chevaquines à emporter. Une eau gazeuse plus tard, le poisson débarque. Rouge il est, petit aussi. Pour une personne, c’est largement suffisant. Nous le reniflons un instant. Une belle odeur de tomate compotée, vivement teintée de gingembre nous chatouille les sinus et nous excite les glandes salivaires.
C’est un peu moins le cas du riz, bien cuit, mais qui remugle le renfermé des vieux sacs oubliés.

Les haricots sont en crèmes, bien veloutés, et très bons.

Ces accompagnements corrects n’arrivent pas à la hauteur du cari lui-même. Le poisson est littéralement imbibé de sa sauce rouge épaisse, et fond littéralement dans la bouche. Sa saveur est soutenue par un gingembre joyeux sur un sel dosé pour jouer pleinement son rôle d’exhausteur de goût. Bien sûr, la chair délicate n’affiche pas le raffinement d’un « Grand Queue » local, celui qui colle aux doigts, mais l’ensemble est excellemment apprêté. Harry, le cuisinier, est visiblement loin d’être un bleusaille de la marmite.
Le rougail de chou, frais et croquant, une originalité, finit de relever l’ensemble en lançant des décharges sur les papilles, qui s’affolent. Une merveille.

Nous avions tantôt goûté à un rougail de chevaquines rouges provenant d’un camion bar de l’Etang-salé, ici nous avons la version « marron », en cari, avec des crustacés plus frits, qui dégage cette sainte odeur piquante d’aisselles de matantes en fin de repassage par un décembre caniculaire. Le rougail de chou lui va bien, mais un piment vert « krazé » au combava encore mieux.
Un mot sur les pâtes. Si ça, ce sont des spaghettis carbonaras, la tambouille d’Etchebest c’est le parangon du rougail saucisses. Le plat tient davantage du sauté de mines que de la sommité culinaire italienne, telle qu’on pourrait la déguster au Méditerraneo ou au Grande Italia. Les petits légumes donnent tout de même une mâche intéressante, et le fromage est volontaire. L’assiette est appréciée quand même.

Les restaurant Les Terrasses de Bellepierre garde un niveau très satisfaisant en dépit des années qui passent, si on juge d’après les plats dégustés ce jour. Les tarifs sont abordables. 6€ à emporter, 12€ quand la barquette se transforme en place assise, 18€ un cari de poisson rouge magnifique, de quoi se caler le gésier sans épuiser son porte-monnaie, plus le plaisir, bien sûr. Le service du patron est toujours aussi agréable. De quoi octroyer au restaurant une belle fourchette en fin d’année, sous réserve que la qualité se maintienne. A vous de juger.

Horizon 41, la qualité progresse

Drôle de nom ? Pas si on sait que ce petit restaurant, qui propose également quelques produits d’épicerie, est posé sur le CD41, dit « Route de la Montagne », avant la Ravine à Malheur, et que son emplacement offre une vue imprenable sur… l’horizon, et sur le Port.

Ici, pas de gens à deux de tension, on ressent l’envie, le plaisir du partage, l’énergie. 7 caris et une salade sont au menu du jour. Sauté de poisson à l’oignon, cari poulet papaye verte, porc sauté au concombre, cari bœuf courgette, … les classiques de la cuisine péi avec une touche d’originalité qui ne va pas les dénaturer. Nous choisissons le poulet à la papaye et le cari de bœuf.

Le poulet, comme un peu partout, est issu d’élevage industriel, mais sa cuisson parfaite lui a laissé sa dignité. La viande, ni sèche, ni décharnée, donne de bonnes sensations masticatoires d’autant plus que le roussi parfait remonte à travers une sauce à la texture enrobante. Cette dernière se fait agréablement parfumer par la papaye verte et son arôme végétal soutenu, dans le même esprit que le chouchou quand il a pris de l’âge. Les morceaux, trop peu nombreux hélas, fondent dans la bouche. Le bon riz et les grains rouges, excellents, font de belles fourchettes goûteuses.

Le bœuf pour sa part est d’une tendreté magnifique, avec un côté gélatine, et dégage sa puissance gustative sans faire semblant. Le goût, en bouche, s’accompagne d’un nez de caractère, où, là aussi, le roussi des épices est équilibré. Nul gingembre indélicat, nul girofle ostentatoire, le bœuf s’exprime pleinement et sans artifice, avec une les petites claques d’amertume discrète des morceaux de courgettes, là encore pas assez nombreux à notre goût. Ici aussi le riz se colore vite et l’ajout d’un peu de rougail citron « avec la peau » donne des bouchées ébouriffantes.

Depuis notre dernière visite, voici presque deux ans, la qualité n’a pas baissé à l’horizon 41. Elle aurait même tendance à grimper. Voilà une cuisine généreuse, simple, familiale, qui n’a rien à prouver à personne et qui peut se déguster face à la mer, pour profiter aussi de la vue en même temps que de la vie.

A 7,50€, les barquettes profitent d’un bon rapport qualité-prix et on ne regrette pas les quelques euros de plus pour déjeuner sur place, avec le service sympathique et tonique des deux dames qui font tourner l’affaire. Pour autant que nous avons pu le voir, le beau temps est toujours de mise à l’horizon, malgré les orages de l’inflation et des oignons hors de prix.

Horizon 41 :  48 Ter CD 41, La Possession – Tél : 0692 69 51 58.

O Délices, pour tous les goûts

En pleine vacances, nous débarquons vers midi et demi dans ce petit restaurant du Tampon. Grande salle, décoration quasi inexistante, mais accueil souriant et sympathique de la jeune femme qui fait le service aujourd’hui derrière les bacs. 

Au menu du jour, pas moins de 13 plats également affichés sur Facebook, parmi lesquels ont recense un rougail morue (le plat des vendredis un peu partout), un poulet rôti au four, un sauté de porc aux brèdes, des élincés de poulets à la crème…  Pour notre part, on souhaite goûter au poulet tandoori avec le riz chauffé pimenté et aux linguines au beurre accompagnés de poulet croustillant. Les mix étant possibles. Une boisson fraîche plus tard, nous attaquons les assiettes.

Le riz chauffé ne fait pas semblant de nous chauffer les gencives ! Sa cuisson poussée l’a amené aux portes du « collant » sans pour autant qu’il en perde une relative fermeté, ce qui donne des bouchées très agréables. Le piment s’y exprime sans timidité, tant en force qu’en saveur, soutenu par le sel. Voilà du bon riz chauffé traditionnel comme on les aime, rien à voir avec des inventions pour bobos proposés dans certains établissements « branchés », pour faire genre, et qui n’ont aucun goût en dépit des ingrédients surnuméraires.

Le poulet tandoori est de batterie, on s’en doutait un peu, vu le prix. Il se décharne facilement. Gustativement il se défend bien malgré tout, nonobstant un petit bémol sur la puissance du tandoori lui même, qui reste trop timide. Le rougail Dakatine lui prête main forte, « forte » étant le bon mot pour cette caresse cacahuète en mode shabouk. L’assiette est vidée.

Les pâtes sont cuite presque « al dente » ce qui permet d’apprécier pleinement leur assaisonnement poivré. Là aussi les bouchées sont belles, et gourmandes, avec ce beurre qui les emballe. Le poulet croustillant est correct, nous en avons dégusté de meilleurs, mais celui ci fait son office sans qu’on y trouve à redire.

A 12 euros les plats sur place, nous nous en sortons pour moins de 30€ avec les boissons, pour deux, le rapport qualité prix est effectivement bon.

Quand on félicite le patron, ce dernier nous lâche un « merci » sec, avant de prendre la tangente, il doit être occupé. Nous avons testé ce restaurant déjà à plusieurs reprises par le passé, avec plus ou moins de succès selon les périodes. Globalement, les plats y ont été toujours satisfaisants, suffisament en tout cas pour repartir satisfait d’avoir payé un prix juste. Leur variété et leur nombre permet à chacun de trouver midi à son assiette, tant que ce nombre ne vient pas altérer la qualité. Les lieux accusent cependant un petit coup de vieux et mériteraient un rafraîchissement, avec une décoration chaleureuse. Une adresse à retenir si vous passez par le Tampon.

O délices, 14 rue du père Rognard, Le Tampon – Tél : 0692 38 09 79.

Chez Herbert

Ce petit snack de l’Ermitage, posé en face du parking de la plage, pas loin de la fameuse « Marmite », restaurant à touristes que nous avons gratifié d’une fourchette en plastique au temps des critiques fouettardes, est installé là depuis des lustres.

On n’y compte plus le nombre de litres de bières et les kilos de sandwichs qui ont fini dans la panse des vacanciers et, pour une fois, l’on peut se réjouir que le menu d’un restaurant «balnéaire» ne prend pas ces derniers pour des couillons, en proposant des plats plutôt corrects dans l’ensemble, encore que certains soient mieux réussis que d’autres. 

Revenons à notre assiette du jour, un simple rougail boucané, affiché en compagnie d’un cari poulet, d’un civet porc et d’un cari d’espadon. Quatre plats, c’est bien assez, avec les sandwichs. Arrivés de bonne heure, nous sommes servis rapidement. Heureusement. A peine une demi heure plus tard, c’est la foule, et le sieur qui nous a servi se démène comme un beau diable pour ne pas se noyer à l’heure d’un coup de feu subit. 
L’assiette est propre, comme la table et les couverts. Les quantités sont un peu justes pour des mangeurs habitués aux « pitons », mais nous rassasie d’autant plus aisément que c’est bon. Le boucané baigne dans une sauce de tomate en boîte, mais de bonne qualité, qui ne laisse poindre qu’une relative douceur sur la viande. Celle ci recèle assez de gras pour véhiculer ce bon goût fumé caractéristique de la cochonaille, tout en facilitant la mâche. La cuisson préserve d’ailleurs un peu de mordant. 

En mélangeant bien le rougail citron à la sauce (un citron péi dirait-on, vu ce côté acide-amer assez franc), cette dernière s’équilibre et confère à la bouchée de riz un intérêt certain. Un riz très correct. Là-dessus, les gros pois, en crème bien épaisse, tout embellis de thym, poivre et curcuma, apportent un velouté savoureux. Notez qu’on ne court pas derrière les pois du Cap, en général. L’assiette est donc logiquement sifflée en moins de temps que notre serveur ne puisse le dire, en oubliant au passage notre café, finalement offert de bon coeur dans un geste commercial louable.

Nous repartons de chez Herbert très satisfait de ce repas exécuté dans les règles de l’art, même avec des produits dont la gamme est trahie par le tarif du repas : 9,50€. On peut dire que le rapport qualité prix de notre assiette est absolument imbattable ! Chez Herbert, nous recommandons.

Chez Herbert
40, boulevard Leconte Delisle, l’Ermitage
0262 32 42 96